ÉTAPES D’UNE ŒUVRE
D’origine ardennaise du côté paternel et normande du côté maternel, Yves Florenne fut un brillant lycéen à Janson-de-Sailly puis à Buffon : il est premier au Concours général, et dès cette époque se passionne pour le théâtre, écrit des pièces dont son camarade Georges Wakhévitch compose les décors ; il donne aussi des nouvelles à divers journaux, collabore à L’Intransigeant et au Petit Parisien. Après le lycée, il fréquente à la fois la faculté de droit et la Sorbonne. En 1934, au Mercure de France où Alfred Vallette et Georges Duhamel l’accueillent chaleureusement, il publie son premier roman : Le Hameau de la solitude, et deux autres romans.
Puis vient la guerre. Résistant de la première heure, il se jette dans les combats clandestins, sauve plusieurs hommes en leur faisant passer, non sans danger, la ligne de démarcation. Il est arrêté, mené à la prison d’Autun, échappe de justesse à l’ennemi. Lui qui n’était pas avide d’honneurs et de décorations (quoiqu’il fût chevalier dans l’ordre des Arts et Lettres) était secrètement fier d’avoir reçu la médaille de la Résistance.
Après la guerre, il participe activement au renouveau du théâtre et à sa décentralisation. Il a fait beaucoup pour l’essor des festivals : Arles, Aix, Avignon. Il écrit pour le théâtre. Sa belle adaptation d’Antigone est créée en 1953 par la Comédie de Saint-Étienne de Jean Dasté. Raymond Hermantier monte en 1956 au Festival de Nîmes Le Cavalier d’or qui avait obtenu le grand prix de la première pièce et qu’avaient apprécié Albert Camus, Charles Dullin, Michel de Ghelderode (ce dernier célébrait « un poète dramatique, une œuvre parmi les exceptionnelles du temps »). Marie-Hélène Dasté, fille de Jacques Copeau, fit les costumes du Cavalier d’or qui fut joué plusieurs fois par la suite.
Yves Florenne, au lendemain de la guerre, fait partie de l’équipe qui, autour de Hubert Beuve-Méry, crée Le Monde : il y écrira régulièrement de 1947 à 1986 : chroniques de théâtre, d’opéra (sur les festivals d’Aix, de Hollande, de Salzbourg) ; notes malicieuses et perspicaces des « Au jour le jour » ; articles dans Le Monde des livres où il collabore avec Jacqueline Piatier. Il y crée une chronique régulière, la « Revue des revues » qui fit beaucoup pour l’essor des périodiques en France dans les années 1960-1980. Puis il écrit davantage dans Le Monde diplomatique où il fut heureux de travailler successivement avec François Honti, Claude Julien, Ignacio Ramonet qui publiera son dernier article au début de l’année 1992.
Son activité de journaliste n’empêche pas Yves Florenne d’écrire des récits (Mes Espagnes), des œuvres critiques (Ouvertures, Éros ou les clefs de la liberté), de donner une monumentale édition des Œuvres complètes de Baudelaire (1966). Il écrit aussi des œuvres romanesques et théâtrales de qualité, mais qu’il préfère garder dans ses tiroirs, retoucher, parfaire ; aussi laisse-t-il en mourant une part considérable d’inédits dont émergent deux romans : Les Corps de la nuit et une grande saga, « Et tout le reste n’est rien », enfin une pièce de théâtre, Office des ténèbres pour Don Juan.